C'était en 1962, les accords d'Evian. Le 18 mars le général Ailleret adresse aux commandants des corps d'armée le télégramme suivant : "Cessez le feu le lundi 19
mars à midi".
Dans chaque famille métropolitaine, au moins un jeune, depuis la Toussaint 1954, avait franchi la méditerranée pour assurer (ce que l'on appelait pudiquement) le
maintien de l'ordre en Algérie. Ce fût en fait 2 800 jours de guerre avec leurs cortèges de morts, 23 196 tués du côté militaire (appelés et active) 61 000 blessés recensés, sans compter les
morts civils "pieds noirs", les populations Algériennes et le massacre des Harkis après le 5 juillet 1962, proclamation de l'indépendance. Nous, les appelés du contingent étions et sommes
toujours des Républicains et c'est à ce titre que nous avons essayé de faire notre devoir dans l'honneur, et ce n'était pas toujours évident.
On avait laissé en métropole, la famille, la fiancée. La petite compensation, c'était la vie en communauté entre camarades, mais aussi l'aide que l'on pouvait
apporter aux Algériens.
Dans les Aurès, pays des "chaouïas", hommes fiers, dont beaucoup avaient donné l'assaut au célèbre Monte Cassimo pendant le guerre 39-45, nous partagions les dattes
et le thé sous l'autorité matriarcale des femmes de la mechta.
Ce fût pour nous très difficile de parler à notre retour, de ce que nous avions vécu. Alors le 19 mars, ce fût en quelque sorte la délivrance. On accueilli des
postiers , des cheminots, des artisans qui étaient là bas depuis plusieurs générations, car il n'y avait pas que de gros propriétaires. La majorité de ces "rapatriés" ne connaissait pas la
métropole, ils avaient passé leur enfance, leur adolescence, leur vie avec les Algériens. Il leur était très difficile de comprendre ce qui leur arrivait.
A l'Assemblée Nationale, au nom de mon groupe, j'ai eu à défendre deux projets de loi. L'un en 1999 pour faire reconnaitre que les "évènements" d'Afrique du Nord
soient reconnus comme "guerre". Nous avons recueilli une large majorité.
Il en fût tout autrement pour faire admettre que la journée d'hommage aux combattants d'Afrique du Nord devait se dérouler le 19 Mars. Je me souviens avoir été
insulté (le mot n'est pas trop fort) par la droite qui s'arc-boutait sur la date du 5 décembre décidée arbitrairement par Jacques Chirac, date qui ne signifiait rien d'historique. J'eus beau
rappeler qu'après le 11 Novembre 1918, après le 8 Mai 1945 il y avait eu des morts, des exactions, rien n'y fit. Heureusement le 6 décembre 2012, l'Assemblée a pu dans son article premier,
acter :
"La République française institue une journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civils et militaires de la guerre d'Algérie et des
combats en Tunisie et au Maroc". J'espère que ce texte qui fait appel au souvenir et au recueillement pourra être reconnu par toutes les femmes et les hommes de bonne volonté.
Comme disait le poête : "L'oubli est le vrai linceul des morts"
Alors n'oublions pas.